Pour une meilleure expérience, privilégiez une visite sur notre site internet avant une version mobile remaniée !
Eloi Laurent, Coopérer et se faire confiance par tous les temps, 2024 - Compte-rendu
Eloi Laurent est économiste, de ceux qu'on pourrait qualifier de l'économie anti-utilitariste et surtout des partisans d'une science perçue d'abord comme sociale plutôt que naturelle. Dans "Coopérer et se faire confiance", son dernier opus, aux éditions de la Rue de l'échiquier, il part de cette pulsion naturelle qu'est la confiance pour redéfinir les liens économiques entre tous, en mettant de côté le darwinisme et ses lectures (parfois un peu trop ?) et ce pour déboucher sur une "politique des liens". Constat, historique, solutions : tout est clair. Un ouvrage pour penser l'économie, peut-être encore plus pour ceux qui cherchent à atteindre les écoles de commerce notamment !
ECONOMIEECOLES DE COMMERCEPHILOSOPHIESCIENCES SOCIALES ET MORALESSOCIOLOGIE
Franck Jacquet
7/1/20245 min lire


Contre les fondements de l'utilitarisme comme cadre du vivant et de nos sociétés
Le constat de départ est clair, il s'agit pour le très écouté économiste de renforcer la césure qui a fait exploser la science économique en France il y a quelques années, entre les tenants d'une économie mathématisée et ceux la refusant, se rapprochant des sciences morales. L'utile ici si on ose employer le mot pour traiter du livre, est que Laurent affirme avec force sa position mais en traitant d'un "objet", la confiance, et non au travers d'une tribune, d'un ouvrage collectif se voulant être un manifeste... Il part d'emblée, suit sa veine et la déroule, en levant les difficultés qu'on peut lui objecter au cours des pages de ce court essai de 80p environ.
Très clairement, ce qui différencie selon lui la bonne vue des phénomènes économiques de la mauvaise est qu'au fond, des "attaches naturelles" et non un calcul coût - bénéfice sont au fondement du lien social et donc de l'économie et de l'organisation de la société. On rejoue un peu la question solidarité organique / mécanique de Durkheim en un sens... Et s'il est parfois péremptoire, considérant notamment qu'un être humain ne peut s'épanouir et dépérit sans relations sociales (et les ermites?!), il développe qu'au cœur de cette pulsion, il s'agit de saisir la CONFIANCE, définie comme une "espérance de fiabilité placée dans les conduites humaines qui étend le champ opératoire de la coopération de manière intensive et extensive, dans le temps comme dans l'espace" (p. 8).
Ce prémisse posé, il passe par des pages courtes mais claires sur toute une trajectoire de nos sociétés, guidées par l'utilité, Darwin, Marx et leurs interprètes jusqu'à la théorie des jeux pour désamorcer ce qu'on croit être selon lui communément la coopération : "un problème d'efficacité". Partir des liens intimes pour ensuite considérer les liens sociaux, mais ceux-là même étant dépassés par les liens vitaux qui sont plus vastes, tout ce que le monde moderne occidental a mis en avant de manière "classique", "néoclassique" ou dans le cadre de "l'orthodoxie" économique si on considère ce champ de la pensée, semble s'effondrer comme on l'a perçu lors des confinements qui servent d'illustration et de point de départ de l'observation. Parfois, on peut penser que le pauvre Darwin demeure traité, comme souvent, comme une personne enchâssée dans un économisme qu'il n'aurait jamais dépassé, ce que des détours de son Œuvre peuvent parfois amener à nuancer...
Au-delà de la critique d'une société guidée par le lien matériel et la loi du bénéfice
Mais là où l'on profite (sic !) réellement du retournement opéré dès le début de l'ouvrage, penser d'abord par la notion de confiance les relations sociales, c'est que depuis le point de vue de cet "objet", bien des questions peuvent être reposées. On pourrait généraliser en évoquant qu'au fond, il entre dans la question des communs après avoir dénoncé leur abaissement et leur appropriation par le privé, l'individu, l'Un, le droit moderne...
Mais des détours sont très fertiles ou rappellent des aspects fondamentaux pour comprendre notre actualité :
La crise écologique n'en est pas une au sens où la cause n'est pas un problème de pollution, mais elle se comprend par le fait que la modernité telle qu'elle s'est mise en œuvre est le fondement de la surconsommation des ressources, des espaces et des richesses des écosystèmes. La "Grande accélération" n'est alors qu'une traduction de court terme d'une crise plus fondamentale, celle de la confiance. Des historiens médiévistes ont, il y a quelques années, mené des recherches sur la robustesse y compris écosystémique de bien des sociétés pré-modernes au détriment de nos sociétés de flux... On retrouve le même motif du temps court contre le temps long.
La crise de la confiance fait l'objet d'une large part de l'essai, celle-ci étant "dévorée" par la collaboration, sorte d'âme damnée de la pure confiance (un penchant "rousseauiste" à questionner ?). Dès lors, plus la collaboration l'emporte, plus elle affecte les liens du travail, de l'éducation et jusqu'à l'intime et l'espérance de vie... Covid, nous revoilà ! Il faut un travail précis d'explication pour détacher, distinguer que ce soit coopération, confiance, collaboration, amour. La foi, elle, reste un angle mort... Dans confiance, étymologiquement, la question de la foi (pas simplement dans l'autre, mais aussi dans l'Autre, peut être contenue).
Avec ce travail de réflexion sur les virages destructeurs pris dans tous les champs sociaux, et c'est là encore un vrai apport du livre, très succinctement et de manière thématique, Laurent aborde des solutions, des cas, des exemples de "politique de la confiance" et des bienfaits qui sont engendrés, de la Finlande au for intime jusqu'à la défense de l'école maternelle à la française (oui, elle attire encore !)... Ce sont les raisons d'espérer après la période sombre de la Covid.
De nouvelles voies structurelles ou de simples accommodements ?
C'est la question que le lecteur peut se poser au fond en fin de lecture :
Effectivement, en partant du principe que la confiance fait jaillir une intelligence collective bien supérieure à la somme des calculs individuels (le texte est plus élaboré, évidemment), il est possible de penser à une démocratie libérale, aujourd'hui en crise, par une voie "coopérative" de la démocratie. Pourquoi pas. Mais le système mutualiste et ses valeurs du XIXe siècle n'est-il pas lui aussi valable et au fond assez proche ?
Le lien entre coopération en crise et santé planétaire et des individus en déclin est mené jusqu'à un schème assez mécaniste qui revient effectivement à lier nature - économie - société (les trois dimension du développement durable, mais ici il n'est pas question de développement)... C'est sans doute un jalon très intéressant pour penser la question des Communs.
... Mais ce lien un peu mécaniste laisse toujours de côté ou évacue rapidement tout reste de l'idée prométhéenne de l'Humanité et surtout, empêche de poser la question de l'adaptabilité, aujourd'hui au centre des réflexions de ceux qui se posent la question de l'effondrement (ou non) de la biosphère.
En moins de 100 pages et de manière très accessible, c'est donc un lumineux portrait d'une pensée économique par le social et le moral qui est développé, ce qui peut dès lors toucher un large public, des lycéens notamment baignés par les questions environnementales aujourd'hui, que ce soit en SES ou en HLP ou par la géopolitique. Mais cela concerne tout Citoyen, et permet de mettre assez loin des textes abscons d'économie qui ont leur intérêt, sans aucun doute, mais qui ne peuvent essaimer car repliés là où le choix de la confiance est aussi le choix du partage semble-t-il...
ISD - Paris
Institut Saint Dominique
Siège permanent : Paris XVII
www.isd-france.eu
Mail - Courriel : Isdaccueil@gmail.com
Téléphone : (+033) - 06.85.02.47.97 - 09.50.18.63.99
Autres campus :
ISD - Alpes (été / hiver)
ISD - Bourges (automne / été)
Suivez-nous sur :
L'ISD, bien plus qu'une Prépa !
ISD © 2024-2025 - Site hébergé par Hostinger.com
(Voir les mentions légales dans nos CGV - CGU)
Satisfaction (année 2024-2025) :
Satisfaction certifiée auprès des répondants (inscrits élèves, étudiants, auditeurs libres) - Cliquer pour vérifier !
4,1/5